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Synthèse du différend Caritas - Carrefour (2/2)     

L'intérêt à agir

 

Dans les deux cas, les Tribunaux ont donc estimé que l'association Carrefour n'avait pas d'intérêt à agir. En droit, l'intérêt pour agir n'est pas subordonné au bien-fondé de l'action engagée en justice. L'existence ou non du droit invoqué par le demandeur, donc par Carrefour, n'est pas une condition de recevabilité de la demande.  Autrement dit, seuls les membres de l'association Saint-Joseph et/ou ceux de l'association Caritas Moselle peuvent avoir un intérêt à agir dans le cas présent. Ce n'est donc pas le cas de Carrefour.

La question est donc posée de savoir quel acte autoriserait Carrefour à revendiquer un intérêt à agir? Une mesure éventuelle d'expulsion demandée par Caritas serait une atteinte directe aux intérêts de Carrefour et l'autoriserait à agir juridiquement et donc à déployer ses arguments sur le fond et sur la légalité de la dévolution.

Pour bien montrer la complexité du dossier, il faut rappeler et insister sur le fait que le 7 mars 2011 l'association Caritas Moselle a déposé une demande en référé auprès du TGI de Metz pour qu'il nomme un expert chargé d'évaluer le montant d'une indemnité d'occupation des locaux du 6 rue Marchant. Depuis cette date, il y a donc sept ans, cette expertise n'a jamais été rendue au TGI et cela en dépit de rappels du président du TGI et un changement d'expert.

Pour sortir de ce contentieux, les dirigeants de Carrefour ont adressé plusieurs courriers en 2015 et 2016 à Caritas et ont sollicité un entretien avec l'évêque de Metz, président de Caritas, pour reprendre les négociations et trouver ensemble une voie de sortie. Ces courriers et ces demandes d'audience sont restées systématiquement lettre morte. Un rappel en ce sens a été adressé à la directrice d'alors de Caritas en janvier 2017.

L'année 2017 aura été marquée du côté de Caritas par des renouvellements successifs de l'équipe dirigeante et par un changement de statuts de l'association. Il est bien difficile aujourd'hui d'avoir un interlocuteur du côté de Caritas.

 

Il est difficile à Carrefour d'engager une nouvelle procédure auprès des tribunaux, même si un nouvel argumentaire juridique peut être avancé, en raison même de la notion « d'intérêt à agir ». Les dirigeants de l'association étaient donc dans l'attente d'une initiative de Caritas qui, si elle est bienveillante, permettrait de reprendre les négociations. Si elle devait être offensive, elle autoriserait du coup l'intérêt à agir.

 

Au second semestre 2018, une médiation du préfet de la Moselle et du président du Conseil départemental auprès de l'évêque de la Moselle a permis de renouer les liens entre l'association Carrefour, l'association diocésaine Caritas et l'évêché.

Le président et le directeur de Carrefour ont rencontré Mgr Lagleize le 21 septembre 2018 dans les locaux de l'association, au 9 rue des Trinitaires. Cette rencontre a permis d'évoquer le contentieux en cours pour y trouver rapidement une réponse qui satisfasse les différentes parties, y compris les financeurs publics que sont l'Etat et le Conseil départemental.

 

Le président et l'évêque se sont alors entendus pour mettre en place rapidement une réunion de concertation entre Caritas, l'évêché et Carrefour. Elle s'est tenue en janvier 2019 sans pour autant aboutir à un accord.

Une médiation a été tentée avec la participation de la préfecture de la Moselle et le président du Conseil départemental de la Moselle, sans grand résultat.

 

Rompant avec cette démarche de conciliation,  l'association  diocésaine  Caritas  a assigné l'association Carrefour en justice, le 16 juillet 2020, pour  que  le  tribunal ordonne « l'expulsion de l'association Carrefour et de tous occupants de son chef des locaux sis 6, rue Marchant à Metz (57000) avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier si besoin est, faute de délaissement volontaire  des lieux au plus tard un mois après la signification du Jugement à intervenir et ce, sous astreinte d'une somme de 1 000 € par jour de retard».

 

Le même jour l'évêché publiait un communiqué sur le site internet du diocèse pour justifier cette décision. Dans ce texte, les responsables épiscopaux évoquent l'incendie qui a détruit des immeubles de la rue Marchant :

« En mai dernier, Mgr Lagleize, évêque de Metz,  s'est  ému,  comme  de nombreuses personnes de la ville qui l'ont encore en mémoire, de l'incendie qui a ravagé trois immeubles rue Marchant à Metz. D'autant plus que  de  nombreux jeunes en situation précaire sont hébergés dans un immeuble de cette même rue, appartenant à Caritas Moselle. Cet organisme, présidé par Mgr Lagleize, agit et soutient au nom de l'Église  catholique  les  œuvres  en  faveur  des  plus  défavorisés. »

 

Prenant prétexte de cet incendie, l'évêché aurait estimé de sa responsabilité de demander l'expulsion de l'association Carrefour.

Un droit de réponse a été aussitôt demandé, obtenu et publié sur le site internet du diocèse:

« Selon le communiqué du diocèse : « (. ..) de nombreux jeunes  en situation précaire sont hébergés dans un immeuble de cette même rue appartenant à Caritas-Moselle. Affirmation erronée : les jeunes accueillis par Carrefour ne sont pas en « situation précaire ». Il s ' agit de mineurs et de jeunes femmes scolarisés, d'apprentis, de lycéens, d'étudiants, de salarié(e)s pris en charge par l'État ou le Département, bénéficiaires d'un accompagnement social dans la continuité de l'œuvre de l'orphelinat Saint-Joseph dont Carrefour a la charge comme l'a reconnu par écrit l’évêché.

Selon le communiqué : « (...) l 'association Carrefour (..) s'est maintenue dans cet immeuble sans droit ni titre depuis le Ier septembre 2010 (...) » ; or aucun juge ment n'a énoncé à ce jour qu' elle serait« occupante sans  droit ni  titre »;  Carrefour  assume   les   impôts   fonciers   depuis   2010   et  peut juridiquement prétendre être titulaire d' un nouveau bail (art. 173 8 du Code civil). »

 

 

L'assignation a été déposée le 16 juillet 2020 auprès du tribunal de Metz. L'avocat de l'association Carrefour a répondu par les propres conclusions de Carrefour. La partie adverse n'a toujours pas répondu à cette démarche contradictoire. Le 18 mai 2021, le tribunal a demandé à Caritas de déposer ses nouvelles conclusions au plus tard le 3 septembre 2021. A l'issue de cette date limité, Carrefour aura la possibilité de répondre par de nouvelles conclusions de sa part. L'affaire n'arrivera certainement en jugement de première instance vers juin 2022.

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