Vous avez dit « occupant sans droit ni titre » ?
Comme c’est bizarre !
Un des arguments constamment répété par Caritas et le Diocèse consiste à dire que l’association Carrefour est « un occupant sans droit ni titre » de l’immeuble de la rue Marchant. Un responsable du diocèse s’est même cru autorisé à traiter Carrefour de « squatteur », comme si les responsables de l’institution, son personnel, ses résidents et l’ensemble des usagers enfants et adultes s’étaient subrepticement introduits de nuit dans les locaux pour les occuper au détriment de ses locataires habituels partis on ne sait où ! C’est là une infox, une fausse information.
Quels sont les faits ?
- En 1977, après que l’État, le Conseil général et la CAF de la Moselle aient décidé de ne plus maintenir les autorisations d’accueils pour l’orphelinat Saint- Joseph, ils ont sollicité l’association Carrefour pour prendre la relève rue Marchant et lui ont donné l’ensemble des agréments requis.
- Le 5 septembre 1977, M. Cathelin, président de l’association Foyer Saint-Joseph, et Mme de Gargan, présidente de l’association Carrefour, signent dans les locaux de la préfecture de la Moselle un bail à loyer pour le bâtiment de la rue Marchant pour une durée de 31 années qui ont commencé à courir le 1er septembre 1977. Les lieux ainsi loués sont destinés à « permettre au Foyer Carrefour de donner plus d’extension à l’œuvre qu’il poursuit et de continuer l’œuvre du Foyer Saint-Joseph, qui consiste notamment à recevoir des mineurs se trouvant privés de façon temporaire ou définitive de leur milieu familial d’origine, en collaboration avec des organismes officiels, particulièrement l’Aide sociale à l’Enfance. » Une partie de l’ancien orphelinat n’est pas directement incluse dans le bail. La partie louée par le CMSEA en est exclue. Les locaux congréganistes (chapelle et couvent), dits locaux réservés, occupés par les religieuses ne sont également pas compris dans le bail, mais les charges d’entretien y afférant sont incluses dans le contrat.
Le bail détaille les charges que doit assurer l’association Carrefour :
- Engager immédiatement les travaux pour transformer les dortoirs en studios ou chambres individuelles, - prendre à sa charge les assurances contre l’incendie, le recours des voisins, les dégâts des eaux, le vol, la responsabilité civile tant pour les parties louées que pour les locaux réservés,
- Payer pour le compte du bailleur les impôts fonciers, taxes et charges quelconques,
- Régler les dépenses de consommation d’eau, de gaz, d’électricité et de chauffage engagées pour la partie dite réservée (la congrégation) et non louée à Carrefour,
- Rembourser le reliquat des emprunts engagés par l’orphelinat Saint-Joseph, soit 502 825 F (valeur 1977) ou 300 000 € (valeur 2020) et leurs intérêts,
- Sans compter d’autres charges non écrites dans le bail mais qui découlent de l’obligation de continuité de l’orphelinat Saint-Joseph : prendre en accompagnement éducatif les résidentes présentes, rédiger de nouveaux contrats de travail pour les personnels repris, engager la trésorerie de Carrefour, payer les dettes en cours au moment de la reprise, mettre en sécurité les bâtiments de type Pailleron en respectant les normes en vigueur et qui n’avaient jamais été appliquées, etc.
Le loyer prévu dans le bail est modique (1 500 F de l’époque) en raison des charges qui incombent au preneur. Le bail précise : « Ce loyer ne sera pas réglé en numéraire, mais compensé avec l’indemnité de pareille somme due par le bailleur au preneur pour le chauffage des locaux réservés par le bailleur. La non- fourniture de chauffage sera considérée comme un défaut de payement de loyer".
Le bail de 1977 a été reconduit jusqu’au 31 août 2010 par deux avenants signés par Mgr Raffin et le président de l’association Carrefour.
Depuis le 1 er septembre 2010, des négociations ont été engagées pour trouver une solution au différend, avec des périodes de négociations efficaces et des épisodes plus récents d’absence de réponses à nos demandes de dialogue. Depuis cette date, le loyer a toujours été payé, y compris l'assurance obligatoire et les impôts fonciers. Et l'association a comptabilisé dans ses dépenses annuelles les amortissements des travaux qu'elle a payés en lieu et place du propriétaire, comme le prévoit le bail initial.
En 2019, l'association Carrefour a dépensé 176.120 € au titre des amortissements pour travaux réalisés au 6 rue Marchant.
Il reste 2,2 millions d'euros à amortir pour des travaux sur le même site. Cette somme est normalement à la charge du propriétaire.
Quel est le "squatteur" qui serait aussi généreux ?
Que déduire de ces faits ?
Les faits une fois présentés, il convient de rappeler qu’aucun jugement n’a été prononcé à ce jour qui autorise quiconque à proférer que Carrefour est un squatteur ou « un occupant sans droit ni titre ». En outre, depuis 2010, l’association Carrefour a régulièrement payé à Caritas et à sa demande les impôts fonciers qui relèvent du propriétaire et a assuré l’entretien de la partie dite réservée (partie congréganiste avec la chapelle) dont l’association n’a pas la jouissance.
La demande de Caritas de lui rembourser le montant de l’impôt foncier annuel (7 700 €) est tout-à-fait légitime et se situe dans la logique de l’article 1738 du code civil qui invalide l’argument d’une occupation sans droit ni titre (« Si, à l’expiration des baux écrits, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est rédigé par l’article relatif aux locations faites sans écrit » [article 1738]).
Au regard cet article du code civil, il convient donc de considérer qu’un nouveau bail verbal a pris effet après le 31 août 2010. C’est bien pour cela que Caritas a demandé le paiement des impôts fonciers, a vérifié si Carrefour s’acquittait de ses obligations d’assurance, y compris pour la partie réservée laissée vacante, et n’a jamais envoyé de commandement de payer un loyer.
Il est donc faux de dire comme le répandent des esprits malintentionnés que Carrefour ne paie pas de loyer pour son occupation rue Marchant. En application de l’article 1738 du code civil, l’association s’acquitte de toutes ses obligations, y compris celle d’un loyer, prévues dans le bail initial.
Par ailleurs, Carrefour a assumé régulièrement l’entretien et la maintenance de l’ensemble des bâtiments et équipements utiles au bon fonctionnement de l’institution, conformément à la réglementation en vigueur.
L’épisode de l’estimation avortée d’une valeur locative
En mars 2011, Caritas Moselle a introduit un référé auprès du tribunal d’instance de Metz pour que soit nommé un expert chargé d’évaluer la valeur locative du bâtiment de la rue Marchant. Le tribunal a donné satisfaction à la demanderesse et a donné mandat à un expert immobilier de procéder à une telle évaluation. Le résultat de cette expertise était attendu par le président du tribunal dans un délai de cinq mois, c’est-à-dire pour le 7 septembre 2011. Neuf ans plus tard, l’expert n’a jamais rendu son rapport. Il a pour autant conduit toutes les investigations nécessaires en visitant les locaux, en s’entretenant avec les responsables de Carrefour qui lui ont transmis tous les documents comptables demandés.
Le 26 juillet 2013, constatant l’échec de la première mission d’expertise, le président du tribunal de Metz désigna un second expert pour prendre la relève du premier. Après une demande de délai supplémentaire, la date limite de présentation du rapport d’expertise a été fixée au 15 décembre 2014. Six ans plus tard, le second expert immobilier n’a jamais rendu le moindre rapport.
Cet échec répété et « l’usure » de deux experts montrent combien il est difficile de trancher dans un sujet à priori très simple.
Toujours est-il que ceux qui ont cru pouvoir dire que Carrefour est un « occupant sans droit ni titre » feraient mieux de revoir leur affirmation, car s’il n’y a plus de titre signé des deux parties, il demeure légalement un titre ou un contrat non-écrit et surtout des droits à occuper le bâtiment pour poursuivre en toute quiétude la mission confiée en 1977 de maintenir, d’adapter en permanence l’action éducative et sociale, et de développer l’œuvre de l’orphelinat pour l’accueil de « mineurs se trouvant privés de façon temporaire ou définitive de leur milieu familial d’origine », comme le précise le bail signé en 1977.
On remarquera avec intérêt que la formulation utilisée en 1977 pour définir les missions de Carrefour en remplacement de l’orphelinat Saint-Joseph est celle-là même que la loi 2016-297 du 14 mars 2019 (article 48) utilise pour créer l’article L221-2-2 du Code de l’Action Sociale et de la Famille : « mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille » dont la charge incombe au département. Bref, l’association Carrefour se situe bien dans la continuité des missions assignées à l’orphelinat Saint-Joseph sur les pas des fondateurs de 1829.